Le cœur est composé de cellules myogéniques et non myogéniques : les cardiomyocytes, les cellules du système de conduction, les cellules endothéliales, les fibroblastes et les cellules musculaires lisses. Au cours du développement du coeur, la différenciation de ces divers types cellulaires est spatialement et temporellement controlé, conduisant à la formation coordonnée des différents composants du coeur (Harvey, 2002). A cet égard, les expériences d'ablation cellulaire ou génétiques, et de marquage cellulaire ont mis en évidence la nature dynamique de la formation du tube cardiaque, et l'existence de deux sources de cellules progénitrices cardiaques chez l'embryon de souris (Buckingham et al., 2005; Evans et al., 2010; Kelly , 2005). Selon ce modèle, la croissance du coeur embryonnaire se produit par addition progressive des cellules progénitrices du second champ cardiaque, située dans le mésoderme pharyngé, aux deux pôles du tube cardiaque, lui-même dérivé du croissant cardiaque (ou premier champ cardiaque). Les cellules du second champ cardiaque contribuent à une grande partie du coeur, y compris les oreillettes, le canal atrioventriculaire, le ventricule droit et la voie d'éjection des ventricules (Buckingham et al., 2005; Evans et al., 2010). La découverte du second champ cardiaque a eu un impact majeur sur notre compréhension du développement du coeur et il est maintenant établi que la perturbation du développement du second champ cardiaque entraîne un spectre de malformations cardiaques congénitales (Rochais et al., 2009; Vincent and Buckingham, 2010; Zaffran and Kelly, 2012).
La morphogénèse et le positionnement corrects des organes internes nécessitent la libération et l'interprétation précises des signaux le long des axes AP, dorso-ventral et droite-gauche. La morphogénèse du coeur est complexe et sa connexion avec le système vasculaire dépend de la coordination de ces signaux. Le coeur mature des mammifères est un organe à quatre chambres dont le développement dépend en grand partie de l'établissement correct de la polarité AP du tube cardiaque primitif pendant l'embryogénèse précoce. La récente découverte du second champ cardiaque a ouvert de nouvelles perspectives sur le développement du coeur chez les vertébrés (Buckingham et al., 2005). L'existence de marqueurs spécifiques de la région antérieure ou postérieure du territoire cardiaque suggère que l'identité AP est défini très tôt avant la différenciation des cardiomyocytes. Des travaux antérieurs sur l'acide rétinoique (AR) ont montré que ce signal agit comme un morphogène nécessaire pour l'identité postérieure du coeur (Zaffran and Niederreither, 2015). Nos récents travaux ont révélé le rôle de l'AR dans la restriction du territoire cardiaque et de l'identité des progéniteurs cardiaques (Ryckebusch et al., 2008). Il est donc maintenant important de comprendre le mécanisme à travers lequel la voie de l'AR limite ce territoire dans le mésoderme latéral postérieur et d'identifier les gènes cibles qui répondent à cette voie pendant la formation du tube cardiaque.
Les malformations cardiaques congénitales sont la classe la plus fréquente de défaut observé à la naissance. Environ 30% de ces anomalies affectent la sortie d'éjection du coeur (aussi appelée voie efférente), qui connecte les ventricules aux gros vaisseaux (aorte et tronc pulmonaire). Récemment, notre équipe a montré que les gènes Hoxa1 et Hoxb1 sont exprimés dans une sous-population du second champ cardiaque qui contribue à la formation de la voie efférente (Bertrand et al., 2011). Notre nouvelle étude montre maintenant que ces deux facteurs sont essentiels pour le développement normal de la voie d'éjection du cœur (Roux et al., 2015). En effet, l'absence d'un de ces facteurs perturbe le développement du second champ cardiaque à travers la différenciation prématuré des cardiomyocytes. Par conséquent, le positionnement et le remodelage de la voie efférente sont perturbés chez les mutants. Ainsi, notre travail identifie pour la première fois un nouveau rôle des gènes Hox dans les cellules progénitrices cardiaques contribuant à la formation de la région d'éjection du cœur.
Ces travaux ont été soutenus par l'AFM-Telethon, la FRM, et l'ANR